Le trou

- ...

- Si c'était pour demain et que ce demain c'était hier, c'est que aujourd'hui est le demain d'hier et donc que tu dois t'y mettre.

- C'est mathématique.

- Non, c'est réthorique.

- Oui, enfin, c'est vrai et indiscutable.

- ...

- Donc, tu ne discutes pas.

- ...

- Et Aujourd'hui, il a déjà commencé et il va pas durer toute la journée.

- Ben si !... ça, si.

- Je te dis que tu es déjà en retard.

- Alors tu as la pioche ?

- Il faut une pioche ?

- Ben, pour creuser, il faut une pioche.

- Non non non. On a assez creusé. Ce qu'il nous faudrait plutôt, c'est une pelle.

- ...

- Pour combler ce qu'on a creusé.

- ...

- On a tellement creusé qu'on a du vide. Le manque, c'est pas du trop. ça ne peut pas être du trop puisque ça manque.

- He ben c'est peut-être ça, l'erreur. Le manque, c'est peut être du trop.

- Du trop de pas, alors ?

- Peut-être du trop de "pas".

- Un peu de "pas", ça va, trop de "pas", ça va pas.

- On a peut-être aussi déjà assez comblé.

- Comment ça.

- On a peut-être déjà assez rempli.

- ...

- Avec du vide.

- ...

- ...

- Tu veux dire que plus tu creuses, plus tu vides, mais plus tu vides, plus tu remplis ?

- Oui. Tu remplis par du vide.

- ...

- Le vide c'est pas rien.

- Le vide, c'est plein de vide.

- Et tu voudrais quoi ? Plein de plein ?

- Oui. Plein de plein pas vide.

- Ah mais c'est super.

- ...

- ...

- Tu trouves ?

- Mais oui ! Parce que comme tu as creusé beaucoup, tu as un grand vide, et quand tu vas lui mettre du bon plein tu auras deux fois plus de plein que si tu n'avais pas creusé.

- ...

- Tu auras donc plein de plein.

- Cool.

- Donc, avec notre pelle, on va prendre dans le tas d'ailleurs ce qu'il nous manque de plein pour remplacer notre vide.

- Sauf que ça, ça ne marche pas.

- Quoi ?

- Tu ne peux pas prendre du plein d'un autre pour remplir ton vide.

- ...

- Parce que comme c'est son plein à lui, c'est ton vide. Donc en prenant son plein, tu remplis ton vide.

- ...

- En plus, si ça se trouve, c'est du vide, son plein. Donc euh... Tu vas remplir encore plus ton vide avec son vide. Tu ne peux pas savoir, ce que tu prends, avec ta pelle, quand tu prends chez l'autre. Tu ne peux pas savoir si c'est de son plein ou de son vide.

- ...

- Ce que tu sais en tous les cas, c'est que ça n'est pas le tien. De plein. Ou de vide.

- ...

- Tu dois t'attaquer à ton vide à toi et le remplir de ton plein à toi.

- ...

- Qui n'appartient qu'à toi.

- ...

- Et que toi seul peut remplir ou vider.

- ...

- ...

- Comme... Les intestins.

- Voilà.

- ...

- ...

- Ou les poumons.

- Donc ce ne sont pas de pioches ni de pelles dont on a besoin ?

- Non.

- C'est de quoi alors ?

- ...

- Pfffff... Tu vois, tu veux qu'on s'y prenne, mais tu ne sais même pas comment.

- ...

- C'est tout toi, ça.

- ...

- Laisse-moi réfléchir...

- A quoi ?

- Tais-toi.

- Quoi ?

- Je te dis de te taire.

- Pourquoi ?

- parce que je réfléchis à comment on va faire.

- ...

- Et pour ça, il faut un peu de calme et surtout que tu te taises.

- Sympa...

- ...

- ...

- Il nous faut... Une enveloppe.

- Une enveloppe ?

- Oui. Une enveloppe.

- ...

- Et un timbre.

- Une enveloppe et un timbre ?

- Oui.

- Et on va faire quoi, avec ça ?

- On va envoyer ton manuscrit à un éditeur.

- noooooooooon....

- Si, ma vieille.

- Et on va faire ça.... Euh... Aujourd'hui ?

- Oui.

- Mais je n'ai pas fini !

- Rien ne finit jamais.

- ...

- Au pire, ça se transforme.

- Ce qui est fini, c'est toi, qui creuses ta piscine.

- ...

- Parce qu'un beau trou comme tu l'as fait à la sueur de ta thérapie, ça s'appelle... Une piscine.

- ...

- Alors tant qu'à avoir un beau trou comme ça, tu vas me faire le plaisir de mettre de l'eau dedans.

- ...

- Une belle eau bien bleue, bien propre, à la bonne température pour nager dedans.

- ...

- Et après, tu pourras inviter les copains.

- Tout un tas ?

- Oui. Tout un tas.

- ...

- ...

- Et on fait ça aujourd'hui ?

- Oui.

- ...

- Alors... Tu vois bien qu'on est déjà en retard...