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Journal de guerre - Soir 13

Au 13ème jour il était déjà 16h quand il était midi, il était l'hiver la veille de l'heure d'été, et j'écrivais couché. Au 13ème jour, c'était le jour le plus long de l'année. Il avait fait nuit et il avait fait pluie, et ça s'était calmé.

Je regarde en moi les ballots de Bouchemaine et le Maine couler, paisible, dans le bel été. Je suis là, assise dans un transat, les pieds dans l'herbe haute, et j'entends derrière moi les gens de la guinguette.

C'est une belle balade, de Angers à Bouchemaine, qu'on peut faire à vélo. Au 13ème soir, dans ma nuit sans lune, je regarde en moi les toits par la fenêtre de la salle de bain. Les toits d'ardoise lisse et la fine ligne de tuiles orange qui la surplombe. Il y a les toits, gris comme les pigeons et puis au loin la ligne, verte, des bois. Je vois deux clochers, au loin. (C'est peut-être la Doutre ?) Le jour se couche ici, de ce côté-là. Se lève aussi. Par la fenêtre de la cuisine, on voit un peu du clocher de la cathédrale, mais ce n'est pas ça qu'on regarde. C'est la largeur du ciel, le matin comme le soir. Au soir du 13ème jour, je m'invite boire un verre avec Charles et Maude. Un petit verre de blanc. Je ne saurais dire si c'est de les savoir ou si c'est repenser à leur appartement. C'est un tout. C'est global. Ils en seraient le coeur, l'appartement le corps, la ville la maison. Pas loin, il y a Vérenne et il y a Maxime, parrain marraine d'Angers, ceux qui m'ont accueillis, et qui m'ont fait l'aimer. J'aime Angers comme on aime une maîtresse. Follement. Passionnément. Sans m'y installer. Affaiblie, c'est ici que je dormirai ce soir. Dans cet appartement. Ma chambre donne sur la rue, la rue piétonne, la rue de nulle part. Une rue où le soleil vibre sur le tuffeau. Le matelas est parfait. La lourdeur des draps : idéale. Les lumières de la ville dessinent au plafond une belle cathédrale. J'ai fermé les persiennes, laissé juste un peu des rideaux blancs ouverts. J'entends Charles à côté. Il bouine encore un peu. Des papiers, des lectures, des pensées qui font craquer un peu les méandres du plancher. Ici, je ne crains rien. Ici, je regarde le ciel, les oiseaux. Ici, ce sont les objets, les tableaux, qui me regardent. Qui m'observent en silence. Qui me protègent, je le sais. Il y a un perroquet, Il y a une cadavre mexicaine. Il y a un homme en bois, qui regarde la terre. Il y a, depuis moi, sept personnages sculptés dans une pierre. Il y a un long couloir. Il y a des personnages sur les interrupteurs. Il y a des disques au sol. Oui, c'est bien ça. Il y a "Wish you were here", juste là, par terre. Et il y a Graeme Allwright, au-dessus, sur l'étagère. ça brasse un peu maintenant, je les entends qui marchent. C'est certain, c'est eux qui se brossent les dents. ils font ça en marchant. Je vais pouvoir dormir. Je suis à la maison.

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