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Le lustre

"Tu te rappelles, autrefois il y a des lustres... On s'en est fait des belles soirées...

- Il y avait aussi les belles journées, mais c'est vrai... Tellement de belles soirées...

- Celles au petit bonheur des terrasses et de retrouver les amis pour aller trinquer...

- Ben là, on trinque pas mal, aussi, non ?

- Oui, c'est un autre "trinquer", mais c'est sûr, on trinque...

- Tu sais que "Trinquer" ça vient de "Trinken", en Allemand ?

- Oui. Je veux bien que tu arrêtes de disgresser, s'il te plait.

- Digresser.

- ...

- C'est Di-gresser. Pas Disgresser.

- Ah ? Bon, d'accord.

- Bref, là où je voulais en venir c'est qu'une belle soirée, ça peut se voir à la taille de la vaisselle le lendemain matin et au nombre de bouteilles que tu vas aller te coltiner à bout de bras jusqu'au tri un jour prochain. Eh bien en prenant ton temps, et en t'organisant bien, (et surtout en laissant tout tel quel, jour après jour, en principe, la semaine prochaine, tu devrais pouvoir te recréer la joie d'un lendemain de bringue avec une maison complètement à l'envers.

- Pas con.

- C'est pas une jolie petite fugue de derrière les fagots, celle-là ?

- Ah si ! Bien ! Très très bien !

- Oh... Rappelles-toi ces soirées où on allait danser le tango sous la pleine lune rousse... S'approcher... S'enlacer... S'embrasser... Se prendre dans les bras, comme si on s'aimait pour en vrai...

- Oh oui ! Et il y avait les soirées où si ça se trouve on allait tomber amoureux...

- Et puis celles où quand on étaient amoureux, on regardait The Voice tout au chaud du creux des bras...

- Oh oui. C'est vrai... Quand on est amoureux, on peut même être heureux de regarder The Voice, des fois...

- Tu crois ?

- Oh oui, j'en suis sûre ! Et on mangerait un artichaut avec un peu de crème ?

- Ben non ! Pas avec de la crème !

- Oh si... Avec de la crème fraiche épaisse du marché du fromager avec qui on se serait engrêlé...

- Tu t'engueules avec les fromagers ?

- Non.

- Ah oui, c'est vrai...

- Et puis toi tu t'endormirais, comme ça, avant la fin du générique ?

- Oh oui... ça c'est sûr que ça manque, des fois, d'être amoureux...

- Pis il y avait les soirées de quand on rentrait tout seul...

- Oui... On était un peu triste, un peu déçue, non, des fois ?

- Ah oui ? Non, je ne me rappelle pas, ça. Par contre, il y avait aussi les soirées à savourer d'être tout seul, aussi !!!

- Oh oui... Quel bonheur... Prendre un bouquin... Se poser dans le silence... A son rythme... Grignoter un bout de fromage sur le coin de la table... Zoner sur Facebook... Mettre Piaf à fond parce que ça te chante... Ah oui, ce que c'était bien, aussi, les soirées à passer toute seule...

- Et te faire couler un bain en te prenant pour Barbara ! Tu te rappelles ?

- Ah oui je reconnais que c'était bien... Quand on avait le choix...

- Oui, finalement, quand tu as le choix, ça va...

- C'est peut-être ça, la clé.

- La clé de quoi ?

- La clé des champs : "Le bonheur est dans le pré, cours-y vite ! Cours-y vite ! le bonheur est dans le pré, cours-y vite il va filer !"

- Le bonheur serait d'être célibataire ?

- Mais non ! Qu'est-ce que tu es con, des fois... Le bonheur c'est d'être dans ton choix. Si tu es heureux de la contrainte, ce n'est déjà plus une contrainte. Et du coup, c'est horrible : tu vas bien...

- Redis ?

- Si tu acceptes la contrainte, ce n'est plus une contrainte. C'est un choix.

- Ah, tu veux dire que tu retournes la situation ?

- Absolument.

- Bon et là ?

- Ben là, c'est dimanche.

- Tiens, tu comptes pas les numéros des jours, pour ce deuxième confinement ?

- Non. Je m'en fous complètement, des numéros des jours, puisque tous les jours est un jour nouveau."

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