Journal de Guerre - Jour 21-3
Bon, aller. Demain, c'est lundi, le plus dur est passé. Tu dors, et demain, on s'y met. On y va.
- Demain, on sera le combien ?
- On s'en fout. Le 6, le 22, c'est égal. Ma fille, demain, on a un objectif : la douceur.
- Ok.
- Comment ça, "OK"
- Oui.
- "Oui, chef !"
- Oui chef.
- Qui c'est qui décide ici ?
- C'est moi.
- C'est qui ?
- C'est toi.
- OK. Alors. l'état du monde ?
- ...
- L'état du monde ?
- euh..
- L'état du monde : on s'en fout.
- ben... euh...
- On peut y faire quelque chose ? Tu peux y faire quelque chose ? JE peux y faire quelque chose ?
- Tu peux prendre soin de toi, enfin, je veux dire, je peux prendre soin de moi. Il parait que quand on change son monde, on change le reste du monde. C'est Gandhi qui l'a dit.
- Oui, ben justement. Gandhi, il était non violent. Je ne sais pas si tu te rends bien compte de la violence de sa non-violence, mais bon. Nous, moi et moi, on va prendre l'affaire avec la Douceur. Alors pour ce qui est de prendre des nouvelles du chaos, tu as intérêt à les laisser faire leurs petites affaires sans t'en préoccuper et te préparer intérieurement pour supporter la suite parce qu'on n'est pas rendus. Donc, Bon. Voilà. L'état du monde, on n'y peut rien, alors on s'en fout. Dans l'immédiat. Ton logement ? Tu peux bouger ? Déménager ? Tu as les moyens ?
- Non.
- Ok, allez ! ça fait ça de moins aussi. Dans l'immédiat. Ton budget, tes dettes, tes crédits ?
- Je ne crois pas, non. Sauf si je complète mon mi-temps avec quelques heures de caisse mais... Avec le COVID, là... C'est pas tant pour moi que pour les autres, quoi...
- Bon, tu vois bien, t'y peux rien. Allez Hop ! On s'en fout. (ouh, ben on y voit déjà plus clair, là, non ?)
- euh... Tu avais pas dit "douceur"?
- écoute, la douceur, moi, je n'y connais rien, j'ai pas appris. J'applique la méthode Macron : on fout tout par terre, on reste chez soi et voilà. Et après, on inventera des trucs qui existait déjà et qu'on trouvait ringard. Tu verras, ils vont tous nous applaudir.
- Manon, c'est pas la douceur, ça.
- Ben c'est pas la poésie non plus. C'est le cadre. La discipline. Pour qu'il y ait de la douceur, il faut un cadre. Un espace. Pour qu'il y ait de la liberté, il faut de la contrainte. Fais-moi confiance. Ma p'tite, pour y aller en douceur il faut déjà déblayer un peu le terrain et commencer par ce qu'on sait faire : le TRI. Tu peux bouger, là ?
- heu... pas beaucoup.
- Bon, alors le ménage, la vaisselle, la lessive, on oublie. N'oublie pas que tout ce que tu peux faire tout de suite, tu pourras aussi le faire plus tard. Et que si c'est quelque chose que tu peux faire plus tard, c'est qu'il n'est nullement nécessaire de le faire tout de suite.
T'attends de la visite ? Non. Bon. Alors tu gauges, et tu attends. C'est une des méthodes secrètes des francs-maçons : plus c'est grave moins tu bouges. Tu vas voir, ça se règle tout seul la plupart du temps.
- dis-moi... euh... c'est pas un peu... militaire, ta façon d'envisager la question de la douceur ?
- A la guerre comme à la guerre, ma fille.
-...
- Bon, alors je t'ai fait un programme. Méditation sur la douceur de 7 à 9. Repos de 9 à 11 (si tu veux regarder ton ranch) 11 à 13, je m'en fous, tu manges (et tâche de te faire plaisir) 14 à 17h30 tu bosses mais en douceur (tu réfléchis, tu relis tes notes, tu t'évades de tes petits problèmes, ça à fait ses preuves, ça ne peut que te faire du bien et au moins, tu as l'impression de servir à quelque chose). 18 à 19 tu fais une séance d'hypnose pour te protéger des virus et bosser ton système immunitaire. 19 à 20, tu manges en regardant ton ranch. Voilà. Tu vas voir. Crois-moi, la douceur, c'est à l'intérieur du cadre.
21 heures : tu lâches prise. Mais attention ! Le lâcher-prise, ce n'est pas le laisser aller. Le lâcher-prise, c'est revenir aux fondamentaux alors que le laisser-aller c'est le début du n'importe quoi.
- sans vouloir te vexer, je crois qu'on s'y prend mal, avec le concept de la douceur.
- tu t'y connais, en douceur, toi, peut-être ?
- non.
- Bon. Alors, tu vois ! Commences par dormir. Demain, y fera jour.
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