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Journal de Guerre - Jour 15

Au 15ème jour on était le 30 donc il restait 16 pour aller jusqu'à 15 alors que d'habitude, 15, c'est 14.

C'était presque fini.

La première semaine ayant été bien plus longue que la deuxième et sachant que je n'avais pas vu passer la deuxième, la troisième allait sans doute ne durer que quelques jours. 7 maximum. 8 à tout casser.

J'étais positive. ça voulait dire que ça n'allait pas trop fort.

Les douleurs de mon corps s'appelaient COVID-19 et ressemblait de très loin à grippe (de laquelle j'étais vaccinée), pas du tout à cancer (où je ne sentais rien), encore moins à radiothérapie. Un peu davantage à hormonothérapie. Une tendinite généralisée. Un truc autoritaire qui te dit "Couchée !" et toi, hé bien... Tu te couches. C'est assez simple en somme.

Je me demandais si le Covid, c'était comme au théâtre et s'il préparait la saison Covid-20 pour l'année prochaine parce que c'était comme un grand festival.

Aux quatre coins du monde on chantait.

On relayait des parodies toutes aussi brillantes les unes que les autres, on en créait d'autres juste pour l'occasion et même Vanessa Paradis dans une chambre d'hôtel. Patrick Bruel devant un mur de pinard. Jean-Jacques Goldmann avait désormais des verres épais aux lunettes, mais ça, c'est parcequ'il était devenu vieux.

Au 14ème jour, les soignants à Madrid, chantaient ensemble des mantras pour élever les vibrations avant les interventions. C'était un peu comme ces rituels de rugbymen dans les vestiaires du stade. Un savant mélange de spiritualité, de sport compétitifs et de prières aux Dieux. . On recréait les orchestres philarmoniques derrière les écrans. On reconstituait les groupes avec les outils de conf-call, conférences à distance. On pouvait retrouver des lives à des horaires presque précis.

Au 14ème jour, on chantait. Aux quatre coins du monde, on chantait.

On chantait pour survivre, On chantait pour se moquer, On chantait le changement d’heure, on chantait pour essayer de convaincre les derniers insensés de rester chez soi, on chantait pour rester ensemble.

On chantait en Afrique, on chantait en Italie, on chantait aux balcons, pour les uns, pour les autres. Les serbes chantaient Bella Ciao pour les italiens et les italiens se moquaient des français. Je n'entendais jamais trop parler des Belges, ni des Norvégiens.

ça ne faisait que commencer, nous avait dit le Premier Ministre. Et ça allait durer. On en avait repris pour 15 jours. Un genre d’éternité. Mais Ferrero Rocher nous invitait à rester chez nous, et nous proposait de délicieuses recettes pour supporter.

Au 14ème jour, la police faisait des saisies record inédites. Pas de Coke, pas d’armes la lutte contre le terrorisme s'était déplacée : 23 060 masques, de type FFP2 et chirurgicaux, censés être réquisitionnés depuis un décret pris en urgence le 3 mars par le premier ministre avaient été saisis. Il s’agissait jusqu’ici de la plus grosse saisie de masques détenus illicitement.

En 14 jours, les réseaux de marchés au noir avaient eu le temps de s’organiser et si la bourse chutait, les malins avaient encore du flair et trafiquaient ce qui désormais avait à priori le plus de valeur : des masques en papier.

Les forains du marché pas noir s'étaient adaptés et avaient mis en place des commandes à distance. Ils venaient sur le boulevard, avec leur camion, livrer ces commandes le mardi et le vendredi. Chacun restait dans les distances de sécurité imposées. Les dames restaient dans le camion, sur le hayon et distribuaient les commandes pré-préparées. Il y avait donc des gens qui faisaient la queue au cul du camion, et ça donnait un petit goût d'OMG, Object Management Group, ou de relent de tickets de rationnement. Enfin... toutes proportions gardées…

Mon Amour avait joué Fou A 4, et l'avait envoyé par mail à Nico qui, lui, avait précédemment joué A 3, tout cela dans les débuts d’une ouverture espagnole, inventée par un dénommé RUY LOPEZ DE SEGURA, prêtre de son état au 16ème siècle, c’est à dire en plein siècle d’or espagnol. lequel était le confesseur du roi Philippe II d’Espagne.

Je faisais des réussites sur mon téléphone tandis qu'il jouait aux échec par mail.

Au 14ème jour, des daims, ou des faons, je n'y connaissais rien, couraient sur les plages des Landes et dans les rues de Chamonix tandis que nous vivions ce confinement chacun de notre côté. Chacun de notre côté. Séparés par trois rues. C'est le luxe accordé aux amants d'aujourd'hui : pouvoir vivre ensemble seulement les bons moments, rester chacun chez soi dans son appartement.

Au 15ème jour, j'étais on ne peut plus rassurée de mon choix. S'il mourait dans l'histoire, ce ne serait pas à cause de moi : nous ne nous étions pas pris dans les bras depuis bien plus de 15 jours.

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