Je ne fais que passer
Prendre le temps du silence.
Penser la phrase avant de la dire ?
Essayons.
Aspiration à une forme de lenteur.
Penser la phrase dans son apesanteur.
Laisser la phrase éclore.
Laisser la phrase colibri, la découvrir panthère.
Prendre le temps du silence.
Penser la phrase intérieurement avant de la dire.
ça ne dit pas "la reformuler"
ça dit
prendre le temps de l'écouter avant de l'exprimer.
La jeter sur le papier.
La phrase serait la phrase, sans but ni objet.
Ce serait la phrase libre. La phrase oiseau.
Penser la phrase et la laisser s'épanouir.
Prendre le temps de la lire. Intérieurement.
L'adresser tout d'abord au travers des yeux.
Commencer par dire la phrase au travers des yeux.
L'installer en bas.
Installer la phrase dans le ventre, dans le creux du ventre et souffler l'air délicatement pour la laisser monter, monter par les poumons, monter dans la gorge.
Prendre le temps d'articuler la phrase.
Alors seulement l'accompagner par les commissures des lèvres.
La prendre dans la bouche et comprendre chaque muscle du visage tandis qu'elle danse au travers des lèvres. La comprendre par la danse des muscles, lèvres, langue, joues. Menton.
Découvrir comme elle se cache, entre les omoplates.
Elle tend peut-être la main.
Lui tendre la main.
L'accueillir.
Ma phrase pour toi est au bout de mes doigts. Dans un mollet peut-être. Sous la plante des pieds.
Elle dit "je te regarde"
Elle dit "je te vois"
Elle dit "tu existes en moi"
Elle grandit, confiante, elle s'élargit, la phrase.
Elle dit "Sans toi, mon monde serait moins beau."
Elle susurre "je te remercie d'exister dans ma vie"
Alors prononcer la phrase comme elle vient. Comme elle veut.
Elle perle dans une larme au creux du creux du nez, petite bille argentée..
Prendre mon souffle, profonde inspiration, et prononcer en entier la phrase telle qu'elle veut naître au monde. Telle qu'elle voudra peut-être accepter d'être comprise. Telle qu'elle pourrait peut-être être comprise.
Alors la lancer comme une balle au chien.
"Tu es mon Amour, de toujours, pour toujours.
De ça, tu n'y es pour rien.
C'est ainsi qu'en moi, tu existes, c'est ainsi qu'en moi tu vis. C'est ainsi que tu deviendras immortel."